L’autonomie alimentaire d’un territoire local est une ancienne question qui revient aujourd’hui au goût du jour dans le développement des circuits courts.
Déjà au 9ème siècle, dans les débuts de la dynastie carolingienne, cette préoccupation est soulevée par Charlemagne avec la rédaction en latin du capitulaire De Villis.
Ce document administratif, constitué aux alentours de 810 par des moines, préconise certaines pratiques agricoles dans la gestion des terres. Ceci, pour assurer l’autonomie des « villae ». Les « villae » sont des terroirs villageois de culture dans les vastes campagnes de l’empire.
DES ORIGINES ANCIENNES
L’article 70 du Capitulaire mentionne près de 100 plantes alimentaires et médicinales, plantes textiles et arbres confondus, à cultiver pour pourvoir aux besoins des Hommes et des bêtes.
Ces plantes sont d’ailleurs une reprise de la liste de Pline l’ancien qui rédigea une encyclopédie d’Histoire Naturelle au 1er siècle après J-C, avec des connaissances botaniques provenant de Germanie et du pourtour méditerranéen entier. Ainsi, cette liste s’est transmise pendant de nombreux siècles jusqu’à Charlemagne, qui décida de la diffuser plus amplement.
Cinquante-six de ces plantes entrent d’ailleurs dans la composition de 1600 recettes répertoriées par huit ouvrages entre le 8ème et le 10ème siècle. Elles influenceront ensuite la culture des potagers monastiques durant tout le moyen-âge et constitueront une base culturelle déterminante qui a été en partie oubliée. Cependant, la rusticité de ces espèces et leur adaptation à nos climats en font des végétaux très intéressants.
QUATRE PLANTES À REDÉCOUVRIR
Voici quatre plantes citées dans le capitulaire De Villis à redécouvrir pour enrichir son potager.
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L’arroche des jardins
Cette plante rustique est un épinard géant de 2 mètres. Elle fait de belles grappes de fleurs violines et ses tiges sont colorées. Elle se sème en mars et s’associe bien à la betterave. Ses jeunes feuilles comestibles sont tendres et sublimeront vos plats et salades.
La joubarbe
Le capitulaire conseille de placer cette plante sur les toits pour isoler les habitations. Elle protège la maison par sa résistance, ses racines s’accrochent aux roches. Elle est aussi médicinale, c’est un émollient naturel qui permet de faire cicatriser les plaies.
L’aurone ou armoise citronnelle
Plante aromatique vivace, elle possède des saveurs puissantes pour relever les plats. Elle peut s’utiliser pour aromatiser les huiles. Dans le jardin, c’est un puissant répulsif contre les mouches, les moustiques et les pucerons, ce qui en fait une alliée des cultures.
La dolique mongette
C’est un haricot vivace d’orient qui peut grimper à une hauteur de 5 mètres et recouvrir entièrement une pergola en ornement. Cette plante aime le soleil. Ses graines séchées se consomment comme des pois et ses jeunes gousses se mangent comme les haricots frais. C’est une excellente plante fourragère et elle permet en tant que légumineuse de fixer l’azote sur son terrain.
DIFFUSER LE SAVOIR POUR L’AGRICULTURE
Comme le capitulaire De Villis, transmettre les savoirs botaniques représente un enjeu d’avenir dans le développement de l’autonomie alimentaire des territoires.
Grâce à l’accord des plantes et des animaux, en permaculture, agroforesterie ou agro-sylvo-pastoralisme, les productions deviennent respectueuses de l’environnement. Redécouvrir ces espèces végétales, les utiliser avec notre compréhension scientifique actuelle de la nature, est une solution porteuse dans la transition agricole.
Charlemagne a fondé l’école Palatine avec Alcuin, son scribe. Cette période de recherche et de promotion du savoir est quelquefois qualifiée de Renaissance du haut Moyen-âge. À son image, il nous est permis de penser et de faire renaître une agriculture abondante et durable. Ceci, en faisant appel à des espèces qui font leurs preuves depuis l’antiquité.
UN LIVRE FONDATEUR
Pour comprendre les évolutions de l’agriculture et notre rapport à la nature, nous vous proposons de lire l’Histoire Naturelle de Pline l’Ancien un compilateur de savoir, inspiré de 2000 livres grecs et latins. La biologie animale et végétale, des recettes et la pharmacologie sont décrites dans une écriture entraînante. Cet ouvrage est l’un des plus lus pendant le Moyen-âge et la Renaissance.
Quelle espèce du Capitulaire De Villis cultivez-vous et comment ?